L’économie du partage s’empare des seniors connectés

Avec Les Talents d’Alphonse, les retraités transmettent leurs savoir-faire aux plus jeunes. – G. Lasne

L’économie de demain sera-t-elle collaborative? Vous ne le savez peut-être pas, mais elle l’est déjà un peu aujourd’hui. En France comme à l’international, de nombreuses initiatives participent en effet au développement de ce modèle alternatif. Des plateformes collaboratives placent les sexagénaires au cœur de leur concept, profitant du vieillissement d’une population encore pleine d’énergie…

Il semble que l’économie collaborative soit rentrée dans un nouvel âge d’or. Celui des seniors, que de nombreuses plateformes placent au cœur de leur business. Les Talents d’Alphonse, Paupiette, Seniors à votre service, Un toit 2 Générations… Les services surfent sur la vague du vieillissement de la population, et pourraient bien prendre de l’ampleur dans les années à venir, compte tenu des opportunités économiques à saisir.

Un complément pour les «petites retraites»

En 2050, un habitant sur trois sera âgé de 60 ans ou plus, contre un sur cinq en 2005, selon l’Insee. «Et beaucoup de retraités cherchent à arrondir leurs fins de mois vu leur petite retraite», explique Jérôme Pigniez, fondateur du portail de la silver économie, Silvereco.fr.

© Geoffroy Lasne

A l’image de Sylvie Brachot, 66 ans, qui ne perçoit que 900€ de retraite par mois. Cette «Alphonsine» de 66 ans comptabilise une centaine d’heure de cours de couture dispensés à des trentenaires qui veulent «apprendre à faire quelque chose de leurs mains».

Grâce à la plateforme Les Talents d’Alphonse, qui facture l’heure de cours à 15€, Sylvie gagne environ 200€ par mois, un complément de retraite «loin d’être négligeable».

Des personnes âgées de plus en plus digitalisées

Abonnée à des dizaines de newsletters sur la couture et le patchwork, la sexagénaire est beaucoup plus connectée que la moyenne. C’est d’ailleurs sur les réseaux sociaux qu’elle a fait la découverte des Talents d’Alphonse. De la même façon, Marie, 67 ans, qui concocte des bons petits plats aux étudiants grâce à l’association Paupiette, utilise Internet au quotidien. Elle est d’ailleurs adepte d’autres plateformes collaboratives pour faire des rencontres avec des plus jeunes, comme On Va Sortir.

Cette aisance avec les outils numériques semble de plus en plus répandue chez les retraités. L’année dernière, une étude de TNS Sofres révélait une «quasi disparition de la fracture numérique générationnelle». 69% des plus de 55 ans possèdent au moins un appareil connecté (ordinateur, smartphone, tablette).

Ce qui ne fait pas non plus d’eux des geeks passionnés… «On leur facilite la tâche en leur créant nous même leur profils sur la plateforme. Et on garde un lien avec chacun d’eux. Il faut juste qu’ils sachent utiliser un mail», précise Thibault Bastin, cofondateur des Talents d’Alphonse.

Cette équation entre le vieillissement de la population et une plus forte digitalisation peut représenter une véritable «manne financière» pour l’économie collaborative, estime Jérôme Pigniez, qui encourage les jeunes créateurs de start-up à «foncer dans cette direction». «Il y a un business à se faire, et ce n’est pas un gros mot. Si les personnes âgées peuvent à la fois bénéficier d’un petit revenu et se sortir de l’isolement, et qu’en plus, les créateurs de ces start-up gagnent de l’argent, c’est tant mieux.»

«Il y a un vrai business à se faire»

Pourtant, les projets réellement collaboratifs qui mettent directement en lien jeunes et personnes âgées n’en sont encore qu’à leurs balbutiements. «Créer une application à destination des jeunes peut paraître plus sexy et plus facile, ajoute Jérôme Pigniez. Mais il faut réfléchir à plus long terme. Là où les jeunes testent des applications de manière très volatile, les seniors vont être beaucoup plus fidèles à un service, moins s’éparpiller.»

En 2008, la fondatrice, Valérie Gruau, s’est basée sur un constat: «Quand on est à la retraite à 60 ans, on a encore de l’énergie et on a besoin de se sentir utile.» Son business model est basé sur un abonnement mensuel à 10,50€ par mois pour avoir accès aux coordonnées des candidats. Les entreprises qui postent des annonces afin de recruter doivent également payer. «On se porte très bien financièrement», assure Valérie Gruau.Le site Seniors à votre service l’avait déjà compris il y a 9 ans. Cette plateforme de jobbing pour les plus de 55 ans comptait, fin 2016, 174 000 «candidats», soit trois fois plus qu’en 2012. Ils effectuent des petits travaux chez des particuliers ou pour des entreprises.

Redorer l’image des retraités

De quoi encourager les cofondateurs des Talents d’Alphonse dans leur développement. Uniquement présents en Ile-de-France pour l’instant, ils comptent s’attaquer progressivement aux grandes villes françaises, en commençant par Lille, en septembre.

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Et ce n’est pas tout: ils ont récemment créé un service de «garde ludique». Après l’école ou le weekend, les retraités proposent aux parents un peu de leur temps pour faire des activités (visites culturelles, langues, musique…) avec les plus jeunes. 12 enfants ont déjà participé à ce programme, axé, là encore, sur l’idée que les personnes âgées peuvent être actives et non pas dépendantes.

«Il y a plein de choses à faire pour redorer l’image de seniors trop souvent stigmatisés, avance Barthélémy Gas. Beaucoup ont du temps, la forme et l’envie de s’éclater!» Dans le même esprit, Enora Goulard, la jeune créatrice de Paupiette, refuse d’assimiler les rencontres entre jeunes et retraités à des «visites de convivialité», mais revendique que les personnes âgées ont beaucoup à apporter aux étudiants. Les âmes d’entrepreneurs sociaux qui hésiteraient encore à se lancer savent ce qu’il leur reste à faire…

 

>>> voir aussi : http://kozhensemble.fr/sujet/sylver-economie/