L’humanitude, une philosophie du soin et de la relation


Le concept d’humanitude est né en 1980 aux Etats-Unis porté par Freddy Klopfenstein. En 1989, un gériatre français, Lucien Mias, introduit pour la première fois le terme d’humanitude dans les soins. Et c’est en 1995 que Rosette Marescotti et Yves Gineste décident d’écrire une nouvelle philosophie de soins qu’ils baptisent la « philosophie de l’humanitude ». Nous les avions rencontrés lors d’un colloque sur les approches non-médicamenteuses de la maladie d’Alzheimer.


Les principes de l’Humanitude
L’humanitude est une approche des soins fondée sur l’adaptation du soignant au patient, qui doit toujours être considéré comme une personne. C’est aussi une philosophie du lien, du soutien et de l’accompagnement dans laquelle chacun est considéré comme quelqu’un d’autonome à vie, qui peut faire ses propres choix et sait ce qui est mieux pour lui. Une méthodologie fondée sur un certain nombre de principes de bientraitance :
– Le regard, le regard échangé doit être tendre
– La parole, indispensable lors de l’exécution d’un soin même si le patient ne peut répondre
– Le toucher est également un appel d’humanitude comme «confirmation de notre présence au monde», particulièrement important lorsque la parole n’est plus là.
– La verticalité : la station debout est celle qui distingue l’humain. Elle a de nombreux bénéfices, tant psychologiques que physiques pour la personne, et ce, à tout âge. Une personne âgée peut et doit vivre « debout ».
Le sourire est considéré comme essentiel dans cette philosophie du soin qui est enfin régie par un principe de bientraitance fondamental : le « zéro soin de force ».

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albert_jacquardLe mot humanitude a été créé par l’écrivain suisse Klopfenstein (1980), puis repris par le généticien humaniste Albert Jacquard (1987). Ce dernier est parti du constat que le rapport entre les hommes est souvent empreint de violence. Il pensait qu’il faut changer les états d’esprit, pour être capable d’écouter l’autre, c’est-à-dire miser sur l’éducation pour améliorer la qualité et l’efficacité de la rencontre avec l’autre (Jacquard, 1987). Il définit alors l’humanitude comme étant « les cadeaux que les hommes se sont faits les uns aux autres depuis qu’ils ont conscience d’être, et qu’ils peuvent se faire encore en un enrichissement sans limites » (Jacquard, 1987). Ces cadeaux constituent « l’ensemble des caractéristiques dont, à bon droit, nous sommes si fiers, marcher sur deux jambes ou parler, transformer le monde ou nous interroger sur notre avenir » (Jacquard, 1987). En fait, « les hommes n’ont d’autres tâches que de profiter du trésor d’humanitude déjà accumulé et de continuer à l’enrichir » (Jacquard, 1987).

Les psycho-gériatres français Gineste et Marescotti (1983)3 s’approprient le terme dans une marque déposée, « Philosophie de soin de l’Humanitude » aussi appelée « Méthodologie de soin Gineste-Marescott ». Cette philosophie de soins est basée sur le respect et la dignité des personnes et l’harmonie dans la relation entre les soignants et les patients. Appliquée aux soins, elle revendique le « vivre et mourir debout » (Gineste et Marescotti, 1983), c’est-à-dire l’autonomie des patients par la réadaptation, le maintien ou l’amélioration de leur santé, voire leur accompagnement jusqu’à la mort (Gineste et Pellissier, 2008).

En 2008, Jean-Jacques Amyot, sociologue et directeur de l’Office aquitain de recherche, d’information et de liaison sur les personnes âgées, signe un article soulevant la controverse autour de l’appropriation du terme par Yves Gineste et Rosette Marescotti. Selon lui, la confusion introduite entre humanité et humanitude, susceptible de culpabiliser les soignants pour leurs pratiques effectuées préalablement à une formation à cette méthode sont tout aussi controversées que la nouveauté prétendue de cette méthode, qui donne lieu à une grande diffusion dans le secteur médical, grâce au soutien et à la reconnaissance dont elle a bénéficié dans des conditions éthiques douteuses. Toutefois, son succès s’explique car il s’agit alors d’une des rares formations continues proposées en gérontologie en situation concrète, et qui exige en préalable l’adhésion de la hiérarchie hospitalière.

Aujourd’hui, la formation est dispensée par une douzaine d’instituts en France, mais aussi à l’étranger. Un documentaire diffusé en août 2016 sur France 5, Et guérir de tendresse, a mis en lumière les bienfaits observés dans un Ehpad formé à la méthode, et tenté de les expliquer scientifiquement.

Au Japon, des études sont menées depuis 2015 pour évaluer notamment l’impact de la méthode Gineste-Marescotti

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